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Le jour nouveau
Les grandes marées offrent toujours de magnifiques spectacles, sur la côte beaucoup se déplacent et s'il le faut de bonne heure, juste pour assister au lever du jour alors que la mer est déjà très haute et qu'elle continue à progresser jusqu'aux dunes qu'elle dévore. J'ai tout de suite pensé à Eugène BOUDIN pour illustrer cette page et par extension Charles BAUDELAIRE puis LISZT.
Pour illustrer ma poésie j'ai choisi une des toiles d'Eugène BOUDIN
Peintre de la Normandie
" le peintre du ciel et de l'eau "
Le jour nouveau,
C'est un petit matin qui fait qu'on est heureux
quand l'immense océan glisse jusqu'au rivage
que le vent froisse l'onde et fait plisser les yeux.
C'est un petit matin qui pousse vers la plage
qui consent et se joue d'être engloutie si vite
par la marée d'allure résignée, simplement.
L'eau monte obstinément sans aucune limite
en ce petit matin qu'on aime infiniment.
Sous la voûte gorgée de nuages pesants
de grandes envolées de sables affolés
poussent la dune rousse soumise joliment
qui change de visage et vous fait voyager.
Et quand le vent se calme c'est un enchantement
la terre s'efface alors vaincue d'être noyée
au loin tout est plus clair et les hommes oeuvrant
jettent enfin leurs filets toutes voiles hissées.
C'est un petit matin qui vous laisse tout chose
comme au premier baiser tendre et langoureux
comme aux primes caresses qu'on aime et que l'on ose.
Ah, ce lever du jour ! cette grâce de Dieu !
Tant de beautés à peindre en ce précieux instant,
tant de mots à écrire lorsqu'enfin l'horizon
s'éveille-là parfait, limpide et triomphant,
aux coloris confus, paisibles et profonds.
C'est un petit matin qui fait qu'on est heureux
qui fait qu'on se sent bien rien qu'en regardant l'eau
c'est un petit matin où romantique un peu
commence alors le jour que l'on trouve si beau.
Catherine Pallois Tous Droits Réservés 28/02/16Pour revenir à ce grand peintre, je voudrais ajouter que Eugène BOUDIN se fait remarquer pour ses atmosphères et ses pastels originaux, et reçoit conseils et hommages du poète Charles Baudelaire rencontré alors qu'il est en villégiature en Normandie chez sa mère.
Charles BAUDELAIRE Poète et critique d'arts 1821-1867
Extrait de L'homme et la mer
Homme libre, toujours tu chériras la mer !
La mer est ton miroir ; tu contemples ton âme
Dans le déroulement infini de sa lame,
Et ton esprit n'est pas un gouffre moins amer...Compte rendu du Salon de 1859 par Charles Baudelaire au sujet des oeuvres d'Eugène Boudin :
" Oui, l'imagination fait le paysage. Je comprends qu'un esprit appliqué à prendre des notes ne puisse pas s'abandonner aux prodigieuses rêveries contenues dans les spectacles de la nature présente; mais pourquoi l'imagination fuit-elle l'atelier du paysagiste? Peut-être les artistes qui cultivent ce genre se défient-ils beaucoup trop de leur mémoire et adoptent-ils une méthode de copie immédiate qui s'accommode parfaitement à la paresse de leur esprit.
S'ils avaient vu comme j'ai vu récemment, chez M. Boudin qui, soit dit en passant, a exposé un fort bon et fort sage tableau "le pardon de Saint Anne Palud ", plusieurs centaines d'études au pastel improvisées en face de la mer et du ciel, ils comprendraient ce qu'ils n'ont pas l'air de comprendre, c'est-à-dire la différence qui sépare une étude d'un tableau. Mais M. Boudin, qui pourrait s'enorgueillir de son dévouement à son art, montre très modestement sa curieuse collection. Il sait bien qu'il faut que tout cela devienne tableau par le moyen de l'impression poétique rappelée à volonté; et il n'a pas la prétention de donner ses notes pour des tableaux. Plus tard, sans aucun doute, il nous étalera, dans des peintures achevées, les prodigieuses magies de l'air et de l'eau.
Ces études, si rapidement et si fidèlement croquées d'après ce qu'il y a de plus inconstant, de plus insaisissable dans sa forme et dans sa couleur, d'après des vagues et des nuages, portent toujours, écrits en marge, la date, l'heure et le vent; ainsi, par exemple: 8 octobre, midi, vent de nord-ouest. Si vous avez eu quelquefois le loisir de faire connaissance avec ces beautés météorologiques, vous pouvez vérifier par mémoire l'exactitude des observations de M. Boudin. La légende cachée avec la main, vous devineriez la saison, l'heure et le vent. Je n'exagère rien. J'ai vu. A la fin tous ces nuages aux formes fantastiques et lumineuses, ces ténèbres chaotiques, ces immensités vertes et roses, suspendues et ajoutées les unes aux autres, ces fournaises béantes, ces firmaments de satin noir ou violet, fripé, roulé ou déchiré, ces horizons en deuil ou ruisselants de métal fondu, toutes ces profondeurs, toutes ces splendeurs, me montèrent au cerveau comme une boisson capiteuse ou comme l'éloquence de l'opium.
Chose assez curieuse, il ne m'arriva pas une seule fois, devant ces magies liquides ou aériennes, de me plaindre de l'absence de l'homme. Mais je me garde bien de tirer de la plénitude de ma jouissance un conseil pour qui que ce soit, non plus que pour M. Boudin. Le conseil serait trop dangereux. Qu'il se rappelle que l'homme, comme dit Robespierre, qui avait soigneusement fait ses humanités, ne voit jamais l'homme sans plaisir; et, s'il veut gagner un peu de popularité, qu'il se garde bien de croire que le public soit arrivé à un égal enthousiasme pour la solitude. "LISZT un favori, un ami de Eugène BOUDIN et de Charles BAUDELAIRE
Tags : matin, océan, nouveau, voyager, enchantement, lever du jour, romantique, beau
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Commentaires
Coucou Catherine, j'ai eu la chance de visiter le Musée d'Eugène BOUDIN (il me semble que c'était à Honfleur). Bien sur, je suis revenue avec un super livre de certaines de ses oeuvres ; mais je n'avais jamais fait le rapprochement avec Baudelaire. Ta recherche est très intéressante et je te remercie de m'ouvrir l'esprit sur ce moment culturel fort intéressant. Je vais ressortir mon livre et mieux apprécier. Bises Michèle