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Par catherinebabou le 5 Juillet 2013 à 12:10
J'ai appris qu'une journée Religieuse à Alger, en faveur d'un rapprochement Franco-Algérien, avait été prévue de longue date pour le 29 février 2012 par l’Association Usdifra et ses sympathisants pour le 50ème anniversaire de l'exode des anciens départements français d'Algérie, du rapatriement sur notre Continent des Pieds-Noirs et des Harkis.
Les visas Algériens ont été refusés semble-t-il. Je ne veux ici surtout pas politiser cette page, mais je suis simplement attristée par tous ces gens qui avaient espéré faire un pèlerinage là-bas. Ils doivent garder l'espoir de pouvoir le faire un jour.Ma poésie est plutôt un long récit, qui raconte :
L'enfant a 50 ans cette année. En 1962 Josette avait 20 ans à peine, rapatriée en france elle devait accoucher après une longue et difficile traversée. Aujourd'hui date anniversaire de son fils, j'ai imaginé la voir heureuse entourée de siens.
Le bonheur est fragile. Il faut un grand courage pour reconstruire une vie.CE SONT LES NUAGES NOIRS QUI DONNENT LES EAUX LIMPIDES ET FECONDANTES
Proverbe Arabe
Pour Josette et Marco, pour Evelyne que je remercie de son amitié et Yvan
Le jubilé d'amour,
Je m'arrête devant la petite loggia
La porte est entr'ouverte. J'entends un bruit de pas.
Nous nous embrassons fort, l'une et l'autre émues
- Quelle journée mon amie vous m'avez entendue !
Un fichu bigarré camoufle ses cheveux
et pour toute richesse, la croix de son bon dieu
cachée entre ses seins alourdis grassement,
captifs et s'échappant de son chemisier blanc.
Il y avait si longtemps ! malgré l'éloignement
nous avions fait le voeu très solennellement,
de nous retrouver pour, le jour des cinquante ans
du seul enfant qu'elle eut, ce fils qu'elle aime tant.
C'est vrai que dans ses yeux, les ombres du regret
flottent vers cette époque brillant de mille attraits.
Son enfance, sa jeunesse qui ne l'ont pas quittées,
l'obsèdent beaucoup plus qu'elle ne l'aurait souhaité.La journée fut si longue, pesante de souffrance
mais la vie reprenait sur la terre de France.
Dans le creux de ses bras ce petit homme-là
porterait les espoirs d'un mieux, loin de là-bas.
Elle fut courageuse, soutenue par ces femmes
attentives au petit qui ranimait la flamme,
un symbole authentique pour la survie de tous
- Il sera grand et solide et sa vie sera douce !
Saisie de l'énergie des jeunes accouchées,
débarquée d'un voyage au goût du vent salé,
le pied à l'étrier dans un monde nouveau
elle vécut au rythme des sirènes de bateaux.
A cette époque-ci, l'accueil sans sourire
conforta son envie tenace à repartir.
Coupée de ses racines, aidée de tous les siens
près de la Canebière, elle se posait enfin.
Ils "grandirent" ensemble avec très peu en poche.
Elle avait bien failli pourtant louper le coche
faisant la difficile au nouveau logement
qui lui fut accordé, où elle vit à présent,et où elle m'entraîne me serrant fort le bras
dans l'ombre de sa demeure. Par un couloir étroit
nous passons le salon, un petit chat y dort
jouissant d'une fraîcheur qu'il n'aurait pas dehors,
car il tape le "copain" jusqu'à en faire chanter
les cigales, la famille et tous les invités.
Qu'importe la canicule, c'est ainsi dans le sud,
un vrai cadeau du ciel et on a l'habitude.
Pour se désaltérer d'une soif phénoménale,
les plus jeunes sirotent l'eau-de-vie familiale,
le bienheureux kéfir dont la mère en culture
doit-être préservée si l'on veut qu'elle perdure.
La garrigue est bouillante à deux pas du logis.
Barré d'un parapet de canisse sans chichi,
un carré de terrain, un figuier magnifique
au pied duquel prône une tablée magique,
et son "grand" nous attend, exubérant de joie,
appelle à la nouba fringué comme un pacha,
et pour ce jour de fête débouche sans compter
les bouteilles d'anisette et de Kébirs rosés.
On passe de mains en mains, les amandes salées
les tramousses croquantes douces ou pimentées,
les pois-chiche grillées, les poignées de pépites,
on picore en tchatchant sans aucune limite.
La casbah est ailleurs, ici c'est la smala
qui retrouve son verbe dans un grand brouhaha.
Ali prépare son nay et Charles au tambourin
à pour cette occasion fermé le magasin.
La musique commence, on parle avec les mains,
les souvenirs défilent, et l'on avoue enfin
les exploits de ses pêches qui font encore rêver,
la mer et ses douceurs, le désert ses chaleurs,
les ruelles bouillantes et les jardins d'été,
les petits ânes gris chargés comme des mulets,
et les événements qu'on a rapatriés
dans les bagages pour ne pas les oublier.
Les parents morts là-bas qu'il a fallu laisser
au chaud des cimetières aux sables abandonnés.
Les copains disparus dans les cabales guerrières
et les maisons laissées en stèles funéraires.
On feuillette les albums, on sort de vieux papiers
de l'époque perdue aujourd'hui rappelée.
Les anecdotes fusent et les rires éclaboussent
pendant que le mouton fourré d'ails en gousses
rôti depuis des heures au-dessus d'un grand trou,
farci à en crever, luisant comme un bijou.
Le méchoui est en route et l'atmosphère jubile
de parfums et de bruits intenses et subtils,
quand des gosses écarlates harguent qu'ils ont goûté
un chouïa de piment qui va les étouffer,
piétinent et salivent comme de jeunes chameaux
devant l'oued asséché à réclamer de l'eau.
Ici on fait gaiement le singe en goûtant la Mouna,
et là, on remercie d'avoir la baraka
à trancher les pastèques si belles à regretter
de ne pas les goûter à Oran ou Alger.
Et c'est les larmes aux yeux que l'on trinque au bonheur
- les retrouvailles sont belles, la paix est à l'honneur !
Pour célébrer ce jour, ce jubilé d'amour,
on écoute une voix et le bref discours
d'une mère comblée et fière de proclamer :
- A la paix retrouvée transmise à l'héritier !
- je veux pour résumer cinquante ans... Dieu bénisse !
- la vérité si j'mens... il est pas beau mon fils ?
Catherine Pallois 2013 Tous droits réservés.Musique : Song of Shéhérazade.
CELUI QUI EST RESSUSCITE PAR L'AMOUR NE MOURRA JAMAIS
Proverbe Arabe
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